J'aimerai partagé ce jolie texte - autobiographique d'une cliente - avec tous les amoureux des mots et belles plumes...

Dans mon souvenir, toutes les histoires de mon enfance commencent par « il était une fois ». C’est alors tout naturellement que je débuterai mes remerciements à votre endroit, par la phrase consacrée, tant aimée de nos chères têtes blondes.

Voici donc le « Conte de la Fée Helga »,

intitulé « Aujourd’hui est un Jour Nouveau ! ».

Il était une fois, dans une forteresse à l’abri de tout intrus, Elle, une bien triste et curieuse artisane, éprouvée par des deuils successifs, qui, pour oublier le chagrin de ses nuits sans dormir, chaque matin se mettait à l’ouvrage. De mille couleurs et de mille autres encore, pour palier la grisaille de son quotidien, Elle ornait chapeaux, vieilles dentelles et fleurs de tissus. Se sentant très souvent menacée, encerclée, assiégée, harcelée par le grand méchant loup, l’ogre de la forêt et quelques maléfiques sorcières, elle s’emmurait et s’étiolait malheureusement sans plus aucune raison de vivre ni de combattre. En ce temps-là, Elle ignorait qu’elle était la victime de ses propres démons et avait oublié jusqu’aux fins heureuses de chacune des histoires qui berçaient les moments doux de son jeune âge.

Pourtant, s’il fallait rembobiner le film de sa biographie, Elle saurait que mère-grand n’a pas de grandes dents ni de grandes oreilles et que l’expression « tirer la chevillette et la bobinette cherra » n’est pas si terrifiante. Sa grand-mère délicieuse, un peu sourde, possède encore la quasi-totalité de ses dents à 91 ans et n’a jamais croqué le petit Chaperon rouge. En ce qui concerne la chevillette et la bobinette, inutile de frissonner ! Courrez sur internet et lisez, sur le Bescherelle, l’explication de la fameuse réplique de Perrault : la forme cherra ? Eh bien c'est le futur du verbe choir. Dès qu'on aura tiré la chevillette, la bobinette - pièce de bois servant à bloquer la porte - tombera et… la porte s'ouvrira.

Lorsque la Fée Helga, sa marraine, lui offrit les clés qui ouvrent le monde merveilleux de l’être précieux qui sommeille au plus profond de chacun d’entre nous, Elle dut se rendre à l’évidence que ses premières demandes n’étaient pas aussi simples qu’il y paraissait. En effet, écrire son propre « Livre du Bonheur », noter ses affirmations, lister ses buts et ses projets, tout lui semblait vide de sens, de contenu et l’analyse de chaque parole, même anodine, lui provoquait des frayeurs, bien évidemment infondées. Elle résistait. Chaque sourire, chaque soulagement, chaque moment paisible même bref, chaque bonne nouvelle l’entraîneraient-ils systématiquement vers un mauvais sort inéluctable ? Cette question ridicule prenait des allures de réponses aussi sottes, prétextes à ne plus rien oser. Confrontée alors à ses schémas qu’elle pensait protecteurs et initiée, incitée, invitée par la Fée Helga à regarder de plus près la réalité, petit à petit, Elle comprit qu’à chaque ressenti « négatif » existait un « positif » salvateur… Puis un jour, la « bobinette chut ». Portes, volets, fenêtres et lucarnes ainsi ouverts vers le monde, la magnifique lumière du jour remplit l’univers de l’artisane et de celui de son entourage.

Car à l’ombre des remparts qu’Elle avait si soigneusement bâtis, pierre après pierre, avec application, il lui était impossible de voir que, seul, ce simple petit loquet, la séparait de son présent et de son avenir désormais accessible. Sa marraine a su la guider par le don de son savoir et fut par un déclic, le révélateur qui, à l’instar du procédé photographique, raconte toute une histoire dans un instantané et fait que l’image latente devienne visible.

A tâtons, dans la pénombre, Elle tentait de se débarrasser de certains pans de murs en vain. Vous lui avez appris, chère Marraine, à se départir de ses réflexes destructeurs, à supplanter ses mauvaises habitudes, à évincer ses dépendances. Et si bien sûr, parfois, certaines de ses dérives la rattrapent, vous lui avez donné le goût et les moyens de revenir, avec ténacité, sur les maux récalcitrants et récurrents qui l’empoisonnent et de réduire à néant leurs effets malfaisants. EUREKA ! Voilà donc ce petit mécanisme qui lui manquait pour voir la vie différemment! Envolé, le sortilège !

Hier encore, je vous disais : « lorsque je pense à vous, je songe à ces concours de dominos qui consistent à bien disposer d’innombrables petites pièces rectangulaires noir et blanc ou multicolores parfois. Lors du coup d’envoi, tout l’édifice se déploie en une seule main avec une multitude de figures incroyables pour offrir enfin à la tombée du dernier jeton, en une vue d’ensemble spectaculaire, un tableau à thème, libre, qui dévoile la dextérité du joueur ». Si le joueur c’est Elle ou moi-même, la dextérité n’est autre que le présent que vous-même, la Fée Helga, m’avez offert.

Il n’est pas de conte sans crapauds, grenouilles et autres bestioles bizarres qui se transforment en Prince Charmant. Ce dernier se doit, c’est la règle, de se confronter à une marâtre folle de désespoir à la première trahison de son miroir, de combattre un dragon cracheur de feu, d’embrasser après moult dangers la princesse qui a croqué la pomme un siècle plus tôt, etc… Aussi, alors qu’ Elle avait exclu à jamais la gent masculine de son histoire, elle a retrouvé, elle aussi, son joli batracien qui n’a pas attendu d’être embrassé pour devenir son Prince. Charmant, oui, il est arrivé de Paris en voiture après dix ans d’absence. Aucune marâtre, aucun dragon, aucun danger aux alentours, vous aviez déjà, pour lui, défriché château et dépendances de tout obstacle. Il n’avait rien à faire de plus qu’être la cerise sur le gâteau car Elle avait, grâce à vous, expédié ses démons, gnomes, mégères et autres chimères à grands coups de bottes de sept lieues dès que la « bobinette chut ». Pour cette raison, le beau Prince, un jour viendra, peut-être, lui aussi, vous remercier.

Car il y a peu, Elle lui envoyait ce message : « le destin n’est pas cruel, il est le meilleur des maîtres. Mon privilège fut de croiser le chemin d’un professeur sévère, exigeant, rigoureux, inflexible, absolu, omniscient et captivant. Ce destin m’a modelée à son image et a fait de moi une femme lucide, raisonnable et mesurée mais aussi une gentille « trublionne » extravagante à souhait, ouverte à la vie et passionnée qui danse avec les lettres pour chasser la monotonie des figures imposées ». Grâce à vous, Fée parmi les Fées, Elle a renoué avec l’écriture qui la ressourçait naguère, abandonnée par trop de lassitude, tant elle était accablée par la mort de ses proches, vécue comme un départ brutal, un abandon inexpliqué.

Le mot fée vient du latin fata, signifiant « déesse de la destinée », féminin de fatum, « le destin ». La boucle est bouclée. Ce conte n’aura de fin que lorsqu’il sera l’heure. Quelle heure est-il ?

Elle